Dans l'hémicycle, peu de sénateurs de la majorité, par contre, il nous a semblé que; là, où des permis d'exploration avaient été autorisés, les sénateurs Gauche, centre gauche et écologistes étaient présents et ont bien défendu territoires et citoyens.
Les sénateurs "contre" étant plus nombreux que les "pour", le président de la commission économique demanda pour chacun des articles un vote "public" et non, un vote des présents. Ainsi, la loi était certaine de passer, vu la majorité de droite et de centre du Sénat. Par contre, cette pratique aurait fait durer la séance jusqu'au petit jour ... c'est pourquoi Bernard Frimat (Président de séance) a pris le parti de réunir les présidents de groupe afin de trouver une solution ; celle-ci fut rapidement acceptée d'autant plus qu'elle reportait à plus tard la suite des débats.
Le Compte rendu analytique officiel du 1er juin 2011 dans sa totalité sur :
http://www.senat.fr/cra/s20110601/s20110601_2.html#par_383
Gaz de schiste (Procédure accélérée)
M. le président.
- L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée
nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger
les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique ; de la proposition de loi visant à interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de
schiste et de la proposition de loi visant à abroger les permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le
territoire national.
M. Alain Fauconnier. - Rappel au
Règlement ! Nous venons d'apprendre par le journal The Independent qu'à deux reprises, dont une hier, se sont produits des séismes probablement dus à la fracturation hydraulique.
(L'orateur brandit la « une » du journal) Le British Geological Survey estime que ce tremblement de terre était équivalent à une magnitude de 2,3 sur l'échelle de Richter.
L'épicentre se serait situé à deux kilomètres sous terre. Jusqu'à présent, on connaissait les risques de pollution des nappes phréatiques et de destruction des paysages. Il faut désormais y
ajouter le risque sismique. Il est temps de retrouver notre bon sens.
M. Ladislas Poniatowski. - Ce n'est pas un rappel au Règlement.
Discussion générale
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du
logement.
- Le problème est bien d'actualité. Pas moins de cinq propositions de loi ont été déposées au Parlement. J'ai reçu de nombreux courriers et des pétitions,
des milliers de manifestants ont défilé, des communes ont pris des arrêtés d'interdiction.
Des autorisations ont été accordées mais nous sommes en terrain inconnu. Sans doute auraient-elles dû ne pas être prises. La mission conjointe du Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies et du Conseil général de l'environnement et du développement durable souligne dans son rapport d'étape tout ce que nous ignorons encore, comme y insiste M. Houel dans son rapport.
Les techniques actuelles posent problème pour la prévention de l'environnement. Les hydrocarbures de schiste représentent une ressource considérable mais des incertitudes pèsent sur leur exploitation. Lorsque nous invoquons le développement économique, pensons aussi au tourisme vert, à l'agriculture et à la viticulture bio. Et soyons cohérents : nous demandons à l'Unesco le classement des Causses et des Cévennes au patrimoine de l'humanité.
M. Jacques Blanc. - Très bien !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - L'exploitation de ces hydrocarbures risque d'accroître le réchauffement climatique et retarder le développement des énergies renouvelables. Les risques sont multiples : pollution des nappes, bruit, consommation d'eau.
Certaines technologies utilisées sont anciennes mais nous doutons de notre capacité à maîtriser les risques. Nous appliquons donc le principe de précaution, en suspendant les forages avec fracturation. Le Gouvernement a lancé la mission CGEDD-CGIET et l'Assemblée nationale sa mission Gonnot-Martin. Nous disposons d'éléments de réflexion. Pourtant, de nombreuses incertitudes demeurent. Une exploitation à des fins de recherche est donc nécessaire mais il faut mettre fin à la fracturation hydraulique. Un mot sur l'expérimentation : cela correspond au principe de précaution.
Pour autant, compte tenu des risques, dans l'esprit du Grenelle, une expérimentation scientifique nécessite un encadrement strict, contrôlé par divers organismes scientifiques et sociologiques.
Enfin, le Gouvernement a voulu remédier à une insuffisance du code minier : les populations doivent en effet être consultées. (On le confirme à gauche) Le public doit être consulté sur les demandes de recherche et sur les prolongations de concession qui se font de façon discrète.
Mme Nicole Bricq. - Oh oui !
M. Roland Courteau. - En catimini !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Cette proposition de loi est
d'une importance majeure. Il s'agit de mettre en oeuvre le principe de précaution, qui a valeur constitutionnelle. (Applaudissements à droite)
M. Michel Houel, rapporteur de la commission de l'économie.
- Nous examinons la proposition de loi de M. Jacob, adoptée le 11 mai, à laquelle la Conférence des
présidents a décidé de joindre la proposition de loi de Mme Bricq et la mienne. Nous avons travaillé rapidement. La question des gaz de schiste commence à nous être familière, tant elle a
suscité d'inquiétudes dans nos territoires.
Ces gaz sont situés dans la roche mère, souvent à 2 000-3 000 mètres de profondeur. Leur volume pourrait représenter plusieurs dizaines d'années de consommation. Mais il ne s'agit que d'approximations. Seuls des forages pourraient nous en dire plus.
De plus, l'exploitation de ces gaz n'est possible que par fracturation hydraulique. La roche n'explose pas mais est fissurée par injection d'eau, de sable et de produits chimiques. Cette technique est utilisée depuis cinquante ans sans dégâts apparents.
Aux États-Unis, l'exploitation bat son plein, avec un million de fracturations, alors que cette technique n'est pas entièrement maîtrisée et que l'activité est mal régulée.
Le Gouvernement a répondu avec célérité en demandant aux entreprises de suspendre leurs forages. À ce jour, hélas nous ne connaissons pas encore les conclusions de la mission des députés.
Trois textes ont été déposés à l'Assemblée, deux au Sénat, par des parlementaires de la majorité comme de l'opposition. La commission de l'économie s'est réunie la semaine dernière et a adopté la proposition de loi de l'Assemblée nationale en adoptant trois amendements de M. Biwer. Le texte est équilibré. L'article premier interdit la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation.
Faut-il définir dans la loi la fracturation ? Cet article ne concerne pas la géothermie. Des dérogations sont prévues pour des programmes scientifiques expérimentaux, sous contrôle de l'État. Il est essentiel de connaître l'état de nos ressources, d'autant que nos voisins s'engagent dans cette voie.
Pour garantir la transparence, une commission nationale se réunira. L'expertise scientifique reposera sur des organismes publics compétents. À cette condition, nous pourrons prendre nos décisions sur des bases solides.
Nous ne pouvons interdire tous les permis de recherche d'hydrocarbures non conventionnels accordés puisque la technique employée n'est pas mentionnée. Certains craignent que les industriels fassent de fausses déclarations, mais la technique est lourde et ne passerait pas inaperçue.
Le code minier doit, enfin, être modifié, pour l'information du public et des collectivités, dans l'esprit de la convention d'Aarhus et de la charte de l'environnement.
La fiscalité minière doit être modernisée pour qu'elle soit plus favorable aux collectivités concernées. Ces dispositions feront l'objet d'un autre texte. Pourriez-vous nous dire quand, madame la ministre ? Cette proposition de loi répond à une urgence, mais le code minier doit être modifié dans son ensemble.
Le principe de précaution est souvent invoqué : il faut évaluer les risques, éviter les dommages par des mesures provisoires et proportionnées. Tel est l'esprit
du texte adopté par la commission. (Applaudissements à droite)
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi n°577.
- Notre proposition de loi est née de l'émoi que nous avons partagé avec les élus, les associations de défense de l'environnement et les populations qui ont
découvert que des sociétés disposaient en toute légalité de permis d'exploitation. Rien ne leur avait été dit.
Une telle opacité n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
En 2009, nous discutions de la loi Grenelle II et la France préparait le sommet de Copenhague. C'est à ce moment que des demandes ont été déposées et le
Gouvernement ne pouvait ignorer les dégâts environnementaux et sanitaires constatés aux USA. Or, ces demandes ont abouti à des permis d'exploitation indifférenciés dans de nombreux
départements. En Seine-et-Marne, département habitué aux forages pétroliers, les sociétés Vermilion et Toréador en ont été bénéficiaires, d'autres en Ardèche, dans la Drôme, le Gard, le Lot,
l'Hérault, le Vaucluse...
M. Alain Fauconnier. - L'Aveyron
!
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.
- Et en totale méconnaissance du Grenelle. Il est regrettable que la majorité ait habilité le Gouvernement à réformer le code minier par ordonnance. Le groupe
socialiste du Sénat a, le 24 mars 2011, déposé une proposition de loi pour que la mécanique parlementaire démarre enfin.
Notre texte vise à réparer les erreurs du Gouvernement : précipitation, imprécision, opacité.
La précipitation ? Les documents publics consultables le prouvent. Il a fallu que José Bové, présent dans ces tribunes (applaudissements sur les bancs socialistes), saisisse la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) pour obtenir les permis complets.
M. Didier Guillaume. - Des permis qui couvrent jusqu'à 10 000 km² !
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - La technique de fracturation est clairement explicitée. M. Houel estime, dans son rapport, que ce dossier n'a pas de valeur
juridique.
M. Didier Guillaume. - C'est faux
!
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - Vous êtes maire, monsieur Houel. Vous ne délivrez pas de permis de construire sans connaître le plan de la maison ! (Applaudissements à gauche)
On nous a menti : c'est grave, pour la crédibilité de l'action publique. Nous corrigeons aujourd'hui cette erreur.
Il faut abroger les permis accordés ; c'est après que les études pourront reprendre, sur les hydrocarbures conventionnels uniquement. Tel est l'objet de notre article 2.
L'opacité est tenace ; c'est même de l'omerta. Participation du public, études publiques et études d'impacts ont été balayées. Heureusement que la mobilisation a conduit le Gouvernement à revoir sa copie !
Depuis la loi de finances du 19 novembre, j'ai compris qu'il y avait un problème : pourquoi une niche fiscale pour les sociétés qui exploitent les hydrocarbures ? Notre proposition de loi revient aux règles du Grenelle. Elle soumet le code minier à la charte de l'environnement, qui doit primer.
À ce jour, nous ne savons pas si le Gouvernement a l'intention d'introduire ces références dans le code minier. La ratification de l'ordonnance n'est pas encore
inscrite à l'ordre du jour. Il faut, par cohérence, mettre en regard notre proposition de loi et le texte de la commission, qui rend encore plus dangereux le texte issu de l'Assemblée
nationale ! La majorité a reculé ; le Gouvernement n'a jamais été clair : d'un côté, il tentait de répondre aux protestations ; de l'autre, il défendait les permis. Tout au plus a-t-il
commandé un rapport... que nous attendons toujours, puisqu'il devait être remis le 31 mai. Bref, il tente de gagner du temps.
M. Jacques Blanc. - Procès d'intention
!
M. Bruno Sido. - Mais oui !
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - Le Premier ministre n'a-t-il pas déclaré devant les députés qu'il fallait tout remettre à plat, donc annuler les autorisations
accordées ?
M. Roland Courteau. - Il l'a dit
!
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l'économie. - Des mots, des mots...
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - Le texte n'a plus rien à voir avec celui de M. Jacob. Croyez-vous que les sociétés vont benoîtement déclarer qu'elles utilisent la fracturation hydraulique ?
M. de Margerie a déclaré, lors de l'assemblée générale de Total, que le texte de l'Assemblée nationale était habile, et il a ajouté : « On va s'en
sortir »...
M. Roland Courteau. - Et voila
!
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - En fait, majorité et Gouvernement cherchent à éteindre la contestation, mais ils n'y parviendront pas.
M. de Margerie -encore lui, mais il a le mérite de ne jamais employer la langue de bois- a répondu aux associations contestataires qu'il respectait la loi et qu'il convenait de la changer si elle n'était pas satisfaisante. C'est ce que nous proposons.
Le choix d'une politique énergétique est une question clé, qui doit être posée au peuple. Voulons-nous être dépendants des énergies fossiles ?
En accordant ces permis, le Gouvernement ne voulait pas garantir notre indépendance énergétique mais garantir les profits de certaines entreprises ! Ce sont les
Français qui décideront en 2012, et non une poignée d'opérateurs attirés par un nouvel Eldorado. (Vifs applaudissements à gauche)
M. Yvon Collin, au nom du groupe RDSE. - Le Parlement légifère sur la question complexe du gaz de schiste dans la précipitation, en réponse à la contestation populaire. On nous demande de faire du mauvais travail législatif pour corriger les erreurs du Gouvernement. Ce texte n'apportera pas de réponses satisfaisantes. La mobilisation citoyenne ne faiblira pas, les industriels continueront leurs exploitations. Nous aurions préféré un débat à une loi : il est encore trop tôt pour légiférer.
L'enjeu est considérable. Nous savons que l'exploitation du gaz de schiste n'est pas neutre sur le plan écologique. La fracturation hydraulique nécessite d'énormes quantités d'eau, ce qui va à l'encontre de notre politique. Les produits chimiques utilisés pollueraient les nappes phréatiques. Les rejets accidentels de gaz, les nuisances pour les riverains, tout cela fait de la fracturation hydraulique une technique dangereuse, qui va à l'encontre des objectifs du Grenelle.
La prospection de l'énergie fossile contrevient aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les incertitudes scientifiques demeurent ; alors que nous avons besoin de travaux scientifiques sérieux pour faire les bons choix, nous légiférons dans l'urgence, sous le coup de l'émotion. Ne peut-on attendre encore quelques semaines pour disposer des rapports en cours d'élaboration ?
Mais le Gouvernement veut légiférer pour éteindre l'incendie. Cette affaire a été mal gérée : c'est un bel exemple de mauvaise gouvernance qu'il faudra enseigner à l'ENA. (Approbations à gauche)
Les autorisations ont été attribuées en catimini ; les élus locaux abasourdis l'ont appris dans la presse. Aucune concertation n'a eu lieu. Certains territoires concernés sont des parcs régionaux, candidats au classement au patrimoine mondial de l'Unesco !
Il n'est pas admissible que les demandes d'exploitation du sous-sol ne soient pas soumises à enquête publique locale. Quand la réforme du code minier sera-t-elle inscrite à l'ordre du jour ?
Depuis le Grenelle, l'État invite les collectivités à s'engager ; elles font de leur mieux pour répondre à ces exigences nouvelles, mais le Gouvernement, lui, s'en dispense ! Les autorisations étaient accordées par le ministre d'État, alors qu'il défendait le Grenelle devant le Parlement ! Et le même ministre d'État, devenu député, a soutenu la proposition de loi... Quelle image donnez-vous de la politique !
Il n'y aurait pas d'autres méthodes que la fracturation hydraulique, disent les industriels. Là encore, l'opacité est totale. Le Gouvernement a commandé un rapport au Cese.
Tout se fait dans la plus grande confusion : à croire que le désordre a été organisé... J'approuve le fond de la proposition de loi Jacob, mais un tel texte est-il nécessaire ? La France compte peu de gisements gaziers ; notre facture d'importation gazière va croissant. Grande consommatrice d'hydrocarbures, elle le restera longtemps. L'exploitation de nouvelles ressources serait donc d'un grand intérêt. Nos sous-sols pourraient nous rendre moins dépendants de l'extérieur. L'exploitation du gaz de schiste a permis aux États-Unis de prendre la tête du classement mondial devant la Russie. Ce n'est pas une question à traiter à la légère : c'est tout le marché énergétique mondial qui pourrait être bouleversé.
Manque encore un travail scientifique pour trancher entre l'enthousiasme que soulève une nouvelle source d'énergie et les risques qu'elle fait peser, à l'heure où nous souhaitons, après Fukushima, réduire notre dépendance au nucléaire. Il n'appartient pas au législateur d'interdire une technique qui sera peut-être demain utile.
Les sénateurs du groupe RDSE demandent tous un grand débat sur le sujet ; la grande majorité votera contre la proposition de loi, d'autres s'abstiendront, mais aucun ne la votera. (Applaudissements à gauche)
M. Ladislas Poniatowski.
- Le marché énergétique est aujourd'hui bouleversé par la décision de l'Allemagne de sortir du nucléaire. Elle devra recourir au charbon, ce qui augmentera les
émissions de gaz à effet de serre. Elle se tournera vers les centrales à gaz, elle importera son électricité de Russie et aussi de l'énergie nucléaire de France ! En hiver, il y aura un vrai
problème d'approvisionnement puisque nous importons de l'électricité. Nous risquons donc de connaître un nouveau black out, comme en 2006. Tout choix a des répercussions sur les
autres pays européens.
Les ressources françaises en gaz de schiste seraient considérables. On parle de 5 000 milliards de m3 alors que nous consommons 40 milliards de m3. Ces propositions de loi doivent pousser le Parlement à se saisir de la question de l'approvisionnement du pays en gaz naturel.
Le gaz naturel représente aujourd'hui 21 % de la consommation énergétique en Europe, contre 13 % dans les années 60. Je me félicite du nouveau terminal méthanier à Dunkerque, annoncé par le président de la République.
Mais plutôt que d'importer, mieux vaudrait produire du gaz naturel en France. Cette ressource ne doit pas se substituer aux énergies renouvelables ; il faut enrichir notre bouquet énergétique. Je salue au passage la hausse des tarifs d'achat de l'électricité produite par méthanisation, publiée dans le Journal officiel du 21 mai.
Les critiques à l'encontre du gaz de schiste se fondent sur l'expérience américaine, et sur les images choc du film Gasland. Mais les États-Unis ne sont
pas la France : leur géologie est très différente, comme leur réglementation, moins rigoureuse qu'en France. Les entreprises américaines n'ont pas pris toutes les précautions nécessaires,
dans un pays où 50 États peuvent édicter 50 réglementations différentes... Il faut approuver l'interdiction générale de la fracturation hydraulique, qui ne peut en l'état être utilisée sur
une grande échelle.
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - Ni sur une petite !
M. Ladislas Poniatowski. - Il faut des études scientifiques.
La France devrait-elle se passer d'une nouvelle ressource sans chercher à la comprendre ?
Le président Obama exige des méthodes plus propres ; pourtant, il ne remet pas en cause l'exploitation des gaz de schiste. En Pologne, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Suède, la position est plus nuancée. Le Québec a opté pour un moratoire, mais aucun pays n'envisage une interdiction pure et simple.
Le groupe UMP soutiendra le texte de la commission, qui interrompt les forages en cours... (exclamations à gauche)
Mme Dominique Voynet. - Ce n'est pas ce
que dit le texte !
M. Ladislas Poniatowski. - ...et
améliore la transparence. Le texte, équilibré, répond à une situation d'urgence sans compromettre l'avenir. Le Parlement s'est également saisi de la question, et des décisions seront prises,
le moment venu, en toute connaissance de cause. Souhaitons que l'évaluation du gaz de schiste se déroule dans la même sérénité. (Applaudissements à
droite)
M. Michel Teston. - Fin 2010, la découverte des autorisations accordées a suscité une vive mobilisation : le 26 février, 20 000 personnes à Villeneuve-de-Berg ! Pris la main dans le sac, le Gouvernement a mis en place une mission et suspendu les travaux. Après s'être précipité pour accorder les permis de recherche, il a fait inscrire à l'ordre du jour la proposition de loi Jacob, texte inacceptable, caractérisé par des ambigüités majeures. (M. Roland Courteau le confirme)
Le dossier a été conduit dès le départ dans la précipitation et l'opacité.
Les maires des communes concernées n'ont pas été informés. Le Gouvernement a décidé de modifier le code minier par voie d'ordonnance ; le texte de ratification n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour. Il a fallu que M. Bové saisisse la commission d'accès aux documents administratifs !
L'Assemblée nationale a profondément modifié le texte initial sur des points essentiels. Le texte actuel est ambigu. De l'interdiction générale de l'exploration et de l'exploitation, on passe à la seule interdiction de la fracturation hydraulique. Il suffira de renommer la technique pour poursuivre les recherches.
Les recours formulés par les titulaires de permis de recherche vont dans ce sens... On ne ferme d'ailleurs pas la porte à l'expérimentation, adoptée en commission par la majorité sénatoriale. Nous demandons donc une remise à plat complète de ce texte, et un grand débat.
Nos amendements visent à distinguer hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherche et à soumettre toute
délivrance de permis à une enquête publique et à des études d'impact préalables, conformément aux souhaits de nos concitoyens. (Applaudissements à
gauche)
M. Robert Tropeano. - La mobilisation citoyenne se fait entendre depuis des mois. Elle continue, même si vous avez reconnu que les permis n'avaient pas été accordés dans des conditions satisfaisantes : faute avouée n'est pas pour autant pardonnée ! Avec cette proposition de loi, la majorité cherche avant tout à calmer une colère grandissante, à la veille d'échéances électorales. (« Bien sûr ! » sur les bancs socialistes)
Sans concertation préalable avec les élus et les populations, le Gouvernement a accordé ces permis, au mépris du principe de précaution pourtant consacré dans le Grenelle de l'environnement.
Les conséquences d'une telle exploration seraient catastrophiques. Le Larzac est une grande richesse hydrique, un gigantesque réservoir, inestimable pour des territoires frappés par la sécheresse. Et que va devenir la candidature des Causses et des Cévennes à l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité ?
À l'article 2, l'abrogation initiale des permis s'est transformée en interdiction d'utiliser la fracturation hydraulique. Nous pouvons faire confiance à l'inventivité des titulaires de permis de recherche : ils sauront contourner les exigences en jouant sur la sémantique. (M. Roland Courteau le confirme) En fait, le Gouvernement n'entend pas renoncer au gaz de schiste. La fracturation hydraulique n'est pourtant pas le seul risque ! Quid, par exemple, de la destruction des paysages ? Je vous renvoie à l'article 6 de la Charte de l'environnement qui dit que « les politiques publiques doivent promouvoir le développement durable et concilier la protection de l'environnement avec le développement économique et le progrès social ». Nous en sommes loin !
Cette proposition de loi devrait faire plus que tenter de calmer les protestations : réfléchir à notre politique énergétique, accélérer le développement des énergies renouvelables plutôt que les énergies fossiles. Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d'ici 2020 doit être notre objectif absolu.
Devant le refus de revenir sur l'article 2, les déclarations creuses, je voterai contre ce texte. Nos concitoyens sauront vous faire entendre leur mécontentement
le moment venu ; l'heure n'est pas à la démobilisation, bien au contraire ! (Applaudissements à gauche)
Mme Évelyne Didier. - L'avenir énergétique passe-t-il par le gaz et l'huile de schiste ? Les débats passionnés à l'Assemblée nationale ont été à la hauteur de l'indignation, voire de l'exaspération des élus et de la population. Le Gouvernement est pris dans ses contradictions -on pourrait même parler de double langage-, alors que le principe de précaution devrait primer. Mais votre prédécesseur n'a pas su résister aux sirènes des industriels qui voyaient dans l'exploitation de ces hydrocarbures un nouvel Eldorado énergétique et une nouvelle source de profits.
La fracturation hydraulique présente des risques avérés, notamment par sa consommation en eau ; à quoi il faut ajouter la pollution de l'air, l'impact sur les paysages, un bilan carbone équivalent à celui du charbon. Notre rapporteur l'a bien dit ; mais est-il opportun d'ouvrir un nouvel âge de l'énergie fossile ?
L'heure est plutôt à la recherche dans le domaine des énergies renouvelables. En 2050, la part de ces énergies devrait atteindre 80 % des besoins. Il faut une politique de long terme, incompatible avec les critères de rentabilité immédiate. Les événements dramatiques de Fukushima nous rappellent en outre que la transparence est essentielle. Il aura fallu attendre le film Gasland pour que nos concitoyens soient informés.
L'attitude du Gouvernement a inquiété les élus qui ne supportent plus d'être traités comme quantité négligeable, pire, d'être traînés devant les tribunaux par des compagnies américaines ! Il fallait une refonte du code minier ? Mais qui a supprimé en 1994 les enquêtes publiques minières ?
Avec cette proposition de loi, quelle occasion manquée ! Les textes ont été vidés de leur sens et sont devenus ambigus ; on ne cherche qu'à donner du temps aux compagnies pétrolières. Les manifestants ne seront pas dupes ; ils ne sont pas décidés à se laisser faire.
Nous sommes hostiles à la réécriture de l'article premier. Pourquoi autoriser la recherche ? Sous son couvert, vous voulez légaliser la pratique. Difficile de croire qu'il est impossible d'abroger tous les permis ! L'argument de l'intelligibilité de la loi ne tient pas, la rédaction est tout sauf claire. Les entreprises titulaires de permis n'ont pas l'intention d'abandonner l'exploitation. On parle de nouvelles techniques, de fracturation par l'azote ou le méthane. La nouvelle écriture de l'article 2 inverse en outre la charge de la preuve.
Nous regrettons la suppression de l'article 3 qui prévoyait un débat public, une enquête publique et une étude d'impact. La transparence de l'exploitation du sous-sol, patrimoine de la Nation, est indispensable. Bref, le Gouvernement ne veut pas se priver de l'exploitation future de ces hydrocarbures -il n'est qu'à lire le rapport de la mission interministérielle et ses lignes sur le positionnement d'opérateurs sur le marché mondial. Total a d'ailleurs annoncé le 13 mai avoir pris des participations dans l'exploitation du gaz de schiste en Pologne.
Il aurait aussi fallu attendre les conclusions des missions actuellement diligentées.
Pour toutes ces raisons, en regrettant l'absence de consensus, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à
gauche)
M. Claude Biwer. - Je salue nos visiteurs
qui ont beaucoup de patience, mais je ne juge pas les textes de loi au nombre de visiteurs et de manifestants...
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - Ça commence mal.
Mme Dominique Voynet. - Les citoyens
vous dérangent ?
M. Claude Biwer. - Je salue l'apport de l'Assemblée nationale visant à distinguer les techniques de l'exploitation elle-même. Depuis longtemps, on exploite du gaz et du pétrole enfouis sans provoquer de mouvements populaires.
La politique énergétique est un enjeu national et non local. Le sous-sol appartient à l'État. Voulons-vous connaître l'état de nos ressources en hydrocarbures non conventionnels ? Oui ! Pourquoi vouloir importer du gaz de schiste de Pologne alors que nous en disposons en France ? Pourquoi acheter à Gazprom le pétrole que nous consommons ?
Souhaitons-nous exploiter nos ressources ? Oui encore. Nos importations nous coûtent 45 milliards alors que nous semblons disposer de 5 000 milliards de
m3 de ressources en gaz et huiles de schistes. L'enjeu de l'indépendance énergétique est de taille. À l'heure de l'énergie chère,
l'exploitation de gaz de schiste non conventionnel a fait baisser les prix du gaz aux États-Unis de 60 %. Ayons donc une approche non politicienne de cette question.
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Claude Biwer. - Faut-il agiter l'opinion
publique par des campagnes à charge ? (Exclamations indignées à gauche)
M. Didier Guillaume. - Ce sont les élus
qui protestent !
Mme Dominique Voynet. - Au moins, ils ne se font pas dicter leur position par les entreprises !
M. Claude Biwer. Le film
Gasland a marqué les esprits. Dans notre pays, la réglementation est bien plus stricte et sécurisante. En Grande-Bretagne ou en Allemagne, l'accueil est plutôt favorable. Je
comprends mal les réactions en France. Dans mon département de la Meuse, on me dit que le stockage des déchets radioactifs à 800 mètres de profondeur est sans risque, mais que des
fracturations de roche à 3 000 mètres le seraient... Qu'il y ait un problème environnemental, je ne le nie pas.
Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi. - Quand même !
M. Didier Guillaume. - Encore un effort
!
M. Claude Biwer. - Alors que nous limitons l'irrigation, essayons d'économiser l'eau. Alors que l'on culpabilise les agriculteurs, il serait dommage de ne pas engager la réflexion sur ce thème.
Nous avons besoin de la recherche pour imaginer de nouvelles solutions. C'est pourquoi j'ai déposé des amendements pour autoriser des forages expérimentaux. Je remercie M. Houel d'avoir soutenu mon initiative. Même dans le cadre de la fracturation hydraulique, la recherche ne serait pas inutile -récupération de l'eau saline des poches d'hydrocarbures, utilisation du propane ou du gaz comprimé...
Le principe de précaution, c'est l'évaluation du risque et recherche, d'abord la recherche. Ne fermons pas la porte aux nouvelles technologies, comme nous
l'avons fait pour les OGM. Ne cédons pas à la pression électoraliste ni au catastrophisme. Dans sa grande majorité, l'Union centriste votera ce texte en attendant la grande réforme du code
minier. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Didier Guillaume. - La raréfaction des énergies fossiles met les gaz de schiste au coeur de nos débats. Utilisons notre sous-sol, nous dit-on ! Ce qui s'est passé hier à Blackpool -un mini-séisme dû à la fracturation hydraulique- nous montre que les raisons électoralistes n'ont rien à voir avec ce qui se passe. Seul l'avenir de la planète nous importe.
Les permis ont été délivrés en catimini. Le Gouvernement pensait que cela se passerait sans heurts. Si nous débattons aujourd'hui, c'est grâce à la mobilisation de milliers de citoyens, qui veulent que leur environnement soit préservé. Les élus se sont aussi mobilisés car ils n'acceptent pas qu'on fore sur leur commune sans qu'ils en aient été au moins informés. Ils demandent tous un débat de société. Qu'est devenue l'ambition du Grenelle ? Et quel grand écart entre les déclarations du Premier ministre, qui annonçait l'abrogation des permis, et cette proposition de loi ! Ce recul n'est pas acceptable. On ne gouverne pas contre les citoyens, contre les élus, mais avec eux, pour eux et pour la Nation. (Applaudissements à gauche)
Il fallait commencer par réformer le code minier. Certes, il y a des ordonnances mais avec ce texte on met la charrue avant les boeufs. Nous ne voulons pas un débat sur la technique mais l'interdiction de l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste, quelle que soit la technique. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous voulons protéger la roche mère.
Ce texte est d'affichage et d'opportunité. La mobilisation était immense, il fallait une loi, mais celle-ci ne résout rien qui laisse la porte ouverte à toutes
les dérives. Nous vous demandons de réhabiliter le Grenelle.
M. Pierre Hérisson. - Pourquoi ne
l'avez-vous pas voté ?
M. Didier Guillaume. - Nous vous demandons un grand et beau débat sur l'énergie.
Nous voulons vivre mieux en vivant plus longtemps, dans un environnement préservé. Sécurité, santé publique, préservation de l'environnement doivent toujours
prévaloir sur la recherche du profit. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Blanc. - Je suis attristé. (Exclamations amusées sur les bancs socialistes) Nous avons tous le même objectif : protéger l'environnement. Quelles que soient nos sensibilités, nous voulons mettre à l'abri nos territoires, mais sans nous prononcer définitivement sur quelques problèmes énergétiques.
On est un peu injustes avec Mme la ministre, qui a fait montre de courage et a su écouter. Il a fallu maîtriser une situation : on avait agi vite et mal. Aujourd'hui, c'est vite et bien : on interdit toutes les techniques de fracturation hydraulique. La sagesse a conduit le Gouvernement à déclarer un moratoire. Il a ensuite soutenu une proposition de loi pour mettre nos territoires à l'abri de tous dangers.
En Lozère, l'Association des maires avait estimé qu'elle ne pouvait accepter ces exploitations qui mettaient en péril notre environnement. En interdisant la fracturation hydraulique, les permis de recherche tombent. Des tricheries sont possibles ? Mais non ! On ne pourra extraire d'énormes quantités d'eau en catimini !
Quand la France a décidé d'aller plus loin dans le nucléaire après la crise du pétrole de 1974, c'était courageux. Aujourd'hui, nous devons avoir le courage de dire non à des techniques dangereuses ; nous sommes fidèles au Grenelle de l'environnement. Il y a eu une erreur et le Gouvernement la corrige dignement.
Le Sénat a fait un travail approfondi ; notre rapporteur nous dit qu'il ne faut pas bloquer les recherches scientifiques. Comment aller contre ? Mais à condition que la loi ne soit pas tournée et que les territoires soient préservés.
J'appelle à la modestie. Le Parlement fait son métier en votant cette loi. Ensuite, un débat global sur l'énergie devra avoir lieu. Dans le domaine nucléaire, la France est exemplaire : bien sûr, nous ne sommes pas à l'abri d'un pépin, mais d'autres pays n'ont pas eu la même rigueur que nous.
Du fait de la sécheresse, nos agriculteurs vivent un véritable drame. On ne peut accepter que de grandes mases d'eau soient dilapidées pour exploiter les gaz de schiste.
Je remercie Mme la ministre d'être venue en Lozère pour expliquer la situation.
Et de grâce, pas de procès d'intention. Les sénateurs sont sérieux, ils ont écoutés leurs administrés, ils veulent répondre aux exigences du Grenelle mais
refusent d'interdire la recherche scientifique
Nous voterons cette proposition de loi avec conviction. (Applaudissements à droite)
M. Alain Fauconnier. - J'ai cosigné une des propositions de loi mais je suis aussi un élu d'un territoire menacé par la fracturation hydraulique, celui de Nant au coeur du Parc régional des Grands Causses. Je dénonçais en février la technique et surtout la façon de gouverner. Depuis, protestations des populations et des élus dans la diversité ; première capitulation tactique du Gouvernement -dans la cacophonie, les propos de M. Besson et de Mme la ministre se contredisant en quelques jours. La confiance n'est plus au rendez-vous et le Gouvernement continue de finasser sous la pression des entreprises d'extraction...
Voulez-vous tout sacrifier pour une hypothétique recherche sur le gaz de schiste alors que les énergies fossiles sont en fin de vie ? La proposition de loi votée à l'Assemblée nationale n'interdit pas expressément l'exploitation des gaz de schiste, pas plus que les techniques d'injection d'eau sous pression.
Au milieu du parc régional, on a implanté des foreuses. Des millions de mètres cubes d'eau risquent d'être pollués. On nous a dit : c'est le combat des modernes contre les archaïques, des défenseurs de la science contre les obscurantistes, des égoïstes contre les tenants de l'intérêt général. Non, les territoires ruraux n'ont pas de leçon de modernité ni de bon sens à recevoir.
Un travail de cartographie aquifère a été réalisé et a coûté très cher à la région, à l'État et même à l'Europe. Des fracturations, des explosions auraient des
conséquences gravissimes sur le sous-sol. Il suffit de voir ce qui s'est passé à Blackpool. Ne transformez pas les Causses et les Cévennes en delta du Niger ! Nous attendons une loi qui
protège et non pas qui nous trompe. (Applaudissements à gauche)
Mme Dominique Voynet. - Nous sommes tous d'accord : il est urgent de revoir la politique énergétique de notre pays. Alors que l'Allemagne abandonne le nucléaire et que les émissions de CO2 ont explosé en 2010, nos experts autoproclamés qui glosent sur nos échanges d'électricité avec notre voisin feraient mieux de revoir leur copie.
Faut-il un débat de plus sur l'énergie ? Non, le débat aura lieu lors de l'élection présidentielle. (M. Dominique Braye approuve) Quel que soit le mix énergétique retenu, il faudra un sevrage énergétique, une rupture avec la boulimie pétrolière des cinquante dernières années qui nous a gavés, dans tous les sens du terme.
Vous êtes allée au Japon, madame la ministre, alors que l'on se demandait si le coeur des réacteurs avaient fondu. C'était le cas. J'ai été au Japon : j'ai vu la colère des citoyens, des députés qui n'ont plus confiance dans la parole des politiques et des industriels.
La proposition de loi de Mme Bricq était claire, limpide et abrogeait les permis délivrés sans transparence ni discernement par M. Borloo. La colère des élus est largement due à la méthode utilisée par le Gouvernement ; compte tenu de celle-ci, les permis accordés aux entreprises privées sont nécessairement suspects.
Cette proposition de loi est une basse manoeuvre électorale visant à étouffer la voix des concitoyens et des élus. Nous refusons le jésuitisme du rapport, qui fait mine de regretter de n'avoir pu disposer des conclusions des études et missions en cours. M. Biwer, lui, a suivi une autre méthode. Il me fait penser aux diplomates japonais lorsqu'ils justifient à des fins scientifiques les prélèvements -interdits- de baleines. Invoquer la science pour masquer le recul du Sénat n'est pas acceptable. On prépare ainsi les techniques de remplacement. Mais l'eau ! Mais le méthane, qui a un effet sur le réchauffement climatique cent fois plus important que le CO2 ! Mais les fuites des puits !
Nous n'échapperons pas à une transition vers un développement sobre, responsable, équitable.
J'attends avec impatience le débat qui aura lieu lors des présidentielles. (Applaudissements à gauche)
Mme Colette Mélot. - Les révoltes du monde arabe, la flambée des prix du pétrole et du gaz font peser des incertitudes sur notre indépendance énergétique. Le gaz de schiste peut présenter un intérêt dans le contexte, mais pas à n'importe quel prix. Selon l'AIE, les réserves de gaz non conventionnels seraient supérieures à celles des gaz conventionnels, et mieux réparties.
Nous avons toujours besoin de gaz naturel, notamment pour remplacer le charbon en période de pointe. Mais la seule technique d'extraction connue à ce jour présente des risques. C'est bien la technique de fracturation hydraulique qui est en cause. Même si elle est ancienne, savons-nous maîtriser ces risques ? Les produits chimiques utilisés ont-ils un impact sur la ressource en eau potable ? L'actuelle sécheresse nous montre à quel point elle est précieuse.
Il faut des recherches scientifiques pour répondre aux questions. Aux industriels de démontrer qu'une exploitation propre est possible. Les habitants de Seine-et-Marne sont coutumiers de l'exploitation pétrolière ; 50 % du territoire est concerné. Les puits exploités depuis trente ans sont quasiment épuisés : le gaz de schiste peut être une alternative, plus coûteuse.
Nous attendons un projet de loi de modernisation du code minier. Le Gouvernement a mis en place une mission de haut niveau, qui doit rendre son rapport incessamment.
Pour l'heure, au nom du principe de précaution, nous demandons l'abandon de toute exploration par fracturation hydraulique. Merci, madame la ministre, de nous rassurer.
Le Grenelle a marqué un engagement fort pour la protection de l'environnement et de la santé. C'est l'objet de cette proposition de loi, excellemment rapportée par M. Houel.
Nous attendons des rapports au Parlement pour nous éclairer sur de nombreux points. Nous approuvons l'institution d'une commission nationale de suivi, associant
représentants de l'État, des collectivités, des associations des salariés et des entreprises concernées. (Applaudissements à droite)
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. -
Beaucoup a été dit. Il y a un accord quasi général, comme à l'Assemblée nationale, pour considérer qu'il n'est pas aujourd'hui souhaitable d'explorer et
d'exploiter les gaz de schiste. Cet accord pourrait sans doute s'incarner dans un texte commun.
Comme pour le principe de précaution, comme pour le Grenelle I, j'espère que l'unanimité se fera.
La discussion générale est close.
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Jacques MAHEAS, Sénateur de la Seine-Saint-Denis, Maire de Neuilly-sur-Marne, nous écrit :
Monsieur,
LE GROUPE SOCIALISTE DU SÉNAT COMMUNIQUE
Hydrocarbures de schiste : Malaise au sein de la majorité et report de l’examen du texte.
La proposition de loi relative aux hydrocarbures de schiste soutenue par le gouvernement n’a pas été examinée jusqu’à son terme au
Sénat.
La faible présence des sénateurs de la majorité dans l’hémicycle a abouti à une caricature de débat.
Sur l’ensemble des amendements discutés lors de l’examen de ce texte, la procédure de scrutin public a permis un moment à la majorité
sénatoriale de masquer l’absence de ses membres dans l’hémicycle. Mais les conditions propices à un débat serein et constructif n’étant pas réunies, celui-ci a du être interrompu.
Une telle situation, exceptionnelle au Sénat, illustre bien l’absence de conviction de la majorité quant au bien fondé de ce texte.
Pour leur part, les sénateurs socialistes et rattachés continueront à s’opposer à l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de schiste
afin de sanctuariser la roche-mère et exhortent les citoyens à redoubler de vigilance dans les territoires et à poursuivre la mobilisation. Le combat contre les hydrocarbures de schiste
continue.
Je souhaitais porter ces éléments d'information à votre connaissance,
Meilleures salutations,
Jacques MAHEAS
Sénateur de la Seine-Saint-Denis
Maire de Neuilly-sur-Marne
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