Extrait de "Alter Echos" - http://alter-echos.org/extractivisme-ressources-naturelles/gaz-et-petrole-de-schiste-tour-dhorizon-dune-mobilisation-citoyenne-internationale/,des
infos indispensables, un article encourageant ; rédaction : Maxime Combes.
Ce samedi 22 septembre est la
première journée internationale d’actions coordonnées contre la fracturation hydraulique, les gaz et pétrole de schiste. Pas moins de 150 actions vont avoir lieu sur cinq continents et dans près
de vingt pays. En mai 2011, un premier article publié par Alter-Echos (www.alter-echos.org) montrait que la contestation prenait de
l’ampleur dans plusieurs pays. Toutes ces luttes ont contribué à ce que la fracturation hydraulique soit aujourd’hui interdite, ou fasse l’objet de moratoires ou restrictions, dans plusieurs
centaines de lieux sur la planète. Tour d’horizon.
La
France est souvent présentée comme le seul ou l’un des rares pays ayant interdit ou restreint l’usage de la fracturation hydraulique. Au risque, est-il affirmé, de faire de la France le seul pays
à passer à côté de cette formidable opportunité que représenterait l’exploitation des gaz et pétrole de schiste. C’est pourtant faux. Suite à des mobilisations ou interpellations citoyennes, la
fracturation hydraulique est aujourd’hui interdite, ou fait l’objet de moratoires ou restrictions, dans plusieurs centaines de lieux sur la planète.
A
commencer par la Bulgarie qui a interdit la fracturation hydraulique dès janvier 2012 suite à des manifestations sans précédent. Le 14 janvier, des milliers de manifestants se sont rassemblés dans plusieurs villes
bulgares. Dans un pays pourtant fortement dépendant de ses importations de gaz russe, la fracturation hydraulique a été interdite, et le permis délivré à Chevron en juin 2010 dans la région de
Dobroudja annulé.
Le miracle énergétique n’a pas eu
lieu en Roumanie…
Alors
que les gaz de schiste sont souvent présentés comme le miracle énergétique dont auraient besoin les pays de l’Est de l’Europe pour assurer leur développement économique et réduire leur dépendance
énergétique, la Roumanie a également gelé toute activité autour des gaz de schiste. Après une série de manifestations importantes – des milliers de manifestants à Barlad le 22 mars 2012 – Chevron a annoncé de lui-même suspendre ses activités, sous-estimant sans doute la résistance des
populations.
Le
nouveau gouvernement, entré en fonction début mai 2012, a confirmé ses engagements de campagne avec un moratoire sur les explorations de gaz de schiste. Malgré une virulente sortie de
l’ambassadeur des Etats-Unis qui a vivement exprimé son désaccord. En cours jusqu’à décembre, le moratoire pourrait être prolongé en fonction des résultats des prochaines élection législatives
prévues à l’automne.
… ni en République
Tchèque
Suite à
plusieurs pétitions citoyennes, comme celle-ci, qui ont réuni plusieurs dizaines de milliers de signataires, et d’une résistance juridique et locale, le ministre
de l’Environnement tchèque a annoncé le 4 mai 2012 qu’il préparait également un moratoire, le temps d’introduire un code minier plus restrictif.
Cuadrilla Resources
et Basgas Czechia avaient jeté leur dévolu sur trois régions (Berounsko, Valašsko et Trutnovsko) comportant des parcs protégés et des ressources d’eau douce conséquentes. Les permis ont depuis
été retirés. Si une intense campagne de lobbying pro-gaz de schiste est en cours, les députés et sénateurs ont sur leur table une proposition de loi pour interdire la fracturation hydraulique et
le moratoire pourrait être confirmé au mois d’octobre.
Désillusions en
Pologne
La
Pologne et la Hongrie n’en sont pas là. Le gouvernement hongrois a accordé de nombreux permis d’exploration et d’exploitation depuis 2009 tandis que le gouvernement polonais est le plus virulent
défenseur des gaz de schiste en Europe. Au point que son ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, ait put ironiser sur le fait que « Total puisse tirer des bénéfices du gaz de schiste
en Pologne mais ne soit pas autorisé à le faire en France ». Pourtant la désillusion guette en Pologne. Un rapport officiel de l’Institut national de Géologie publié au début de l’année
2012, a mis fin aux rêves d’un nouvel eldorado énergétique. Les réserves supposées des gisements ont été divisées par trois et les ressources récupérables par plus de 10.
Si le
gouvernement entend toujours démarrer l’exploitation commerciale à partir de 2014 – il y a aujourd’hui une douzaine de sites de forage d’exploration et 109 permis accordés – ExxonMobil a annoncé au mois de juin l’arrêt de ses travaux d’exploration, déçu
par les promesses entrevues sur ses premiers forages réalisés dans les bassins de Lublin (sud-est) et Podlasie (est). De quoi rasséréner les opposants polonais qui ne s’en laissent pas compter.
Ils avaient déjà bloqué une conférence de
l’industrie gazière à l’automne 2011. Depuis, les actions locales se multiplient, tant pour essayer de bloquer les forages comme en ce moment près de Zamosc et du futur site de forage de Chevron, que pour
intervenir sur le plan juridique.
Arrêt de l’exploration en Suède et
en Autriche
ExxonMobil n’est pas
la seule major à avoir stoppé des projets d’exploration. Shell en a fait autant dans le
Sud de la Suède, sur le shale d’Alum, à la fois en raison de résultats mitigés sur trois puits explorés et de la mobilisation locale autour du collectif Heaven or sHell. En Autriche, l’entreprise nationale OMV vient d’en faire autant pour des projets situés dans le Nord-Est de l’Autriche, dans la
région du Weinviertel. Officiellement en raison de l’introduction d’une nouvelle loi qui rend obligatoire une étude d’impact environnemental avant la réalisation de tout projet de forage. OMV en
a conclu que « ça ne valait pas la peine ».
Sans
préciser que les résistances locales avaient suscité plusieurs décisions d’interdiction de travaux de la part de communes de la région (Herrnbaumgarten et Poysdorf par exemple) et que le ministre
autrichien de l’environnement avait lui-même déclaré que
« le gaz devrait rester dans les roches » et qu’il était « absolument contre la production de gaz de schiste » tant « l’exemple américain montre que les effets sur
l’environnement peuvent être désastreux ».
L’Allemagne craint la
contamination des nappes phréatiques
Dangers
que le ministre fédéral allemand de l’environnement (BMU), Peter Altmaier, Ministre fédéral de l’environnement (BMU) vient de reconnaître lors de la présentation d’un rapport officiel jugeant les composants chimiques utilisés pour la
fracturation hydrauliques comme « dangereux, toxiques et dommageables pour la santé et l’environnement », faisant craindre une contamination des nappes d’eau potable. Tous les travaux
sont actuellement stoppés en Allemagne, la Rhénanie du Nord Westphalie a adopté un
moratoire, et les collectifs citoyens s’organisent.
Le
premier rassemblement des collectifs allemands contre la fracturation hydraulique et l’exploitation de gaz non conventionnel s’est tenu le 25 juin dernier à Lünne en Basse-Saxe, avec une
représentation de l’ensemble des collectifs, venus, outre de Basse-Saxe, de Rhénanie-Westphalie, de Hesse, Thuringe et Bavière. Leur résolution prévoit une nouvelle action lors du prochain congrès européen sur l’exploitation
gazière qui se tiendra en Allemagne. Par ailleurs, de nombreuses communes, comme Hagen, essaient de bloquer l’acquisition de terrains par les entreprises gazières.
Danemark, Pays-Bas, Espagne,
Irlande, Suisse : garanties sans fracking ?
Ailleurs
en Europe, ça bouge également. Un moratoire est maintenu jusqu’à fin 2013 au Danemark alors que les Pays-Bas ont décidé de stopper toute activité et tout octroi de nouveau permis, jusqu’à ce
qu’une enquête « indépendante » délivre ses conclusions. En Espagne, des collectifs citoyens se sont créés dans les régions de Burgos, Cantabrie et pays basque, régions concernées par
les projets d’extraction. Une pétition est en ligne pour demander l’interdiction de la fracturation
hydraulique, et de nombreuses manifestations, notamment à Santander et Vitoria le 6 octobre, sont
prévues.
Idem en
Irlande où les projets d’exploration ne laissent pas insensible une population très attachée à la qualité de son eau et de ses paysages. Ce qui suscite une mobilisation imaginative, car outre une
pétition et des réunions publiques d’information, les citoyens mobilisés ont décidé de créer un logo « garanti sans fracking » à apposer sur tout ce qui provient des régions où les projets d’exploration et d’exploitation sont
stoppés. En Suisse, les cantons de Fribourg, de Vaud ou encore de Genève ont suspendu les forages et/ou la délivrance de tout permis de recherche, tout en s’inquiétant des permis et projets côtés
français.
Les secousses sismiques suspendent
les projets d’extraction du Royaume-Uni
Quant au
Royaume-Uni, si le gouvernement est extrêmement favorable à l’extraction d’hydrocarbures – l’imposition sur les entreprises pétrolières et gazières a été réduite par le nouveau gouvernement et le
Premier Ministre David Cameron vient de nommer un ministre de l’environnement favorable à l’exploitation des gaz de schiste – les travaux sont actuellement bloqués suite à des secousses sismiques
causées par la fracturation hydraulique dans la région de Blackpool (Lancashire) menée par Quadrilla Resources.
Par
ailleurs, les promesses d’extraction sont
des plus réduites. Les groupes et ONG écologistes, pour certains regroupés dans une coalition nationale, sont farouchement opposés à toute exploitation, faisant
notamment remarquer, sur la base d’une étude de scientifiques du Centre Tyndall de recherche sur le climat, que l’exploitation des gaz de schiste ruinerait les objectifs du Royaume-Uni en termes de réduction de
gaz à effets de serre et de lutte contre le réchauffement climatique.
Revers en Afrique du Sud et en
Argentine
Bien-entendu, il n’y
a pas que des bonnes nouvelles pour les anti-gaz de schiste. Ainsi en est-il de la récente
décision du gouvernement d’Afrique du Sud de lever le moratoire qui tenait depuis plus d’un an. Effectuée sur la base d’un rapport rédigé par un groupe « d’experts »
favorables à l’extraction et longtemps resté confidentiel, la levée de ce moratoire n’a pas pour autant découragé la contestation. Le Treasure
Karoo Action Group, qui se bat notamment pour protéger le Karoo, région semi-désertique aux écosystèmes uniques et fragiles, vient de relancer une pétition contre ces projets.
En
Argentine, la décision du gouvernement d’exproprier la plus grande compagnie pétrolière du pays (YPF), jusqu’ici détenue par la multinationale espagnole Repsol, va de pair avec l’objectif de
devenir un exportateur net d’hydrocarbures non conventionnels. Plusieurs gisements de pétrole et de gaz de schiste sont visés dans le bassin de Neuquen, une région où les communautés locales,
notamment indigènes, ont déjà fortement été affectées par l’extraction de pétrole et gaz conventionnels. Total détient des permis sur place et YPF vient d’annoncer un rapprochement avec Gazprom pour
exploiter ces gaz de schiste.
La contestation grandit en
Nouvelle-Zélande et en Australie
De
l’autre côté du Globe, de plus en plus de voix s’élèvent en
Nouvelle-Zélande pour demander un moratoire sur la fracturation hydraulique qui est aujourd’hui pratiquée dans les régions de Taranaki et Waikato, suscitant des mobilisations locales. Chez le
grand voisin australien, principalement l’objet d’exploration de gaz de couche (coal-seam gas) qui nécessite l’usage de la fracturation hydraulique pour être extrait de manière active,
les protestations se multiplient.
Début
septembre, ce sont 88 % des 15 000 votants de la ville de Lismore, région des Northern Rivers, qui ont dit « Non » à l’exploitation de ce gaz, lors d’une enquête scientifique. Pour l’organisation Lock the Gate, c’est la preuve que cette industrie ne dispose pas de « licence sociale ». Malgré ces résistances (voir cette vidéo), l’entreprise Santos vient d’annoncer être en passe de mettre sur le marché la
première production commerciale de gaz de schiste extrait en Australie.
Le Québec, vers un moratoire ad
vitam aeternam ?
Une
situation ambivalente qui se retrouve en Amérique du Nord. Le nouveau gouvernement du Québec vient d’annoncer « un moratoire complet, tant sur
l’exploration que sur l’exploitation du gaz de schiste ». Suite à une mobilisation citoyenne au Québec sans précédent (voir notre article), un
moratoire était de fait entré en vigueur le temps de la rendue d’un rapport d’experts, attendu pour Octobre 2013.
Ce
groupe d’experts avait même évacué toute possibilité de recourir à des expérimentations scientifiques, souhaitant s’appuyer sur les données déjà existantes, notamment celles des dix neuf puits
déjà fracturés au Québec. Reste à savoir si ce moratoire sur la fracturation hydraulique sera étendu au pétrole, et donc aux projets de l’entreprise Junex sur l’île d’Anticosti, ce qui n’est pas
encore assuré. Dans le Canada anglais, la Nouvelle-Ecosse a
également décrété un moratoire de deux ans.
Les langues se délient aux
Etats-Unis
Une
situation qui contraste avec celle des Etats-Unis, où un million de puits ont été forés et deux millions de fracturations hydrauliques réalisées. Pourtant la situation est bien plus contrastée
qu’on ne l’imagine. A ce jour, selon l’organisation Food & Water
Watch, plus de 270 communes des Etats-Unis ont pris des mesures face à la fracturation hydraulique. Les Etats du New Jersey et de New York ont adopté un moratoire tandis que l’Etat du Vermont l’a interdite.
Par
ailleurs, et ce dans l’attente de la publication d’ici la fin de l’année des premiers résultats d’une étude très attendue sur l’impact du gaz de schiste sur les eaux souterraines, l’Agence de
protection de l’environnement (EPA) a timidement commencé à encadrer les activités des compagnies gazières, reconnaissant par là-même qu’il y avait un problème. Le tout a permis de briser un
tabou et de délier les langues. Même l’économiste Paul Krugman y est allé de son édito critique. Considérant que le boom des pétroles et des gaz de schiste aux
Etats-Unis était trompeur sur le plan économique, ne créant guère d’emplois, se développant au détriment de l’environnement et remplissant les poches de quelques gros industriels.
« Il existe un mouvement citoyen
mondial contre la fracturation hydraulique »
Et loin
de l’apathie généralisée qui peut coller à la peau de l’Américain, nombre de groupes locaux et organisations sont aujourd’hui mobilisées aux Etats-Unis contre les gaz et pétrole de schiste.
S’appuyant sur les travaux de Josh Fox (Gasland et The sky is
pink) ou sur leur propre expérience des conséquences locales de l’extraction des pétroles et gaz de schiste, ils multiplient les initiatives visant à interpeller l’opinion publique
et les décideurs. La journée internationale d’actions du 22 septembre en est l’exemple même. Ce sont des dizaines d’actions qui vont se dérouler aux quatre coins des Etats-Unis, de la
Pennsylvanie à la Californie en passant même par le Texas.
A
l’image des Etats-Unis, cette journée mondiale d’actions n’est rien de moins que la mise en évidence qu’il existe un mouvement citoyen mondial contre la fracturation hydraulique, contre les gaz
et pétrole de schiste. Certes, un mouvement international avec des vides puisque la Chine, l’Algérie ou la Tunisie ne seront pas de la partie. Néanmoins les 150 actions prévues dans près de 20
pays (Canada, Etats-Unis, Mexique, Argentine, Afrique du Sud, France, Espagne, Irlande, Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, République Tchèque, Bulgarie, Roumanie, Australie…) illustre le
caractère mondial de l’opposition à ces projets dévastateurs et, face à l’offensive sur le terrain et dans les médias des industries pétrolières et gazières. Une journée pour repousser avec force
leur propagande.
Plus
d’informations sur la Journée mondiale d’actions du 22 septembre :